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08/05/2017

8 mai 1917

En ligne - Je viens de trouver dans ma tranchée un petit endroit écarté où de vous écrire en paix j’ai la liberté.
Alors, vous avez douté que j’étais capable de faire du linge blanc ? Le fait est pourtant exact, d’autant que le blanc pur est très relatif, il n’existe pas.
Tu me dis qu’on vous raconte dans la presse beaucoup de choses inexactes ? Et à nous donc... le Ministère de la Guerre nous en conte bien d’autres...
ON nous avait dit : “Dans chaque Compagnie, faites des économies, achetez votre pain à l’intendance et la différence vous sera versée en fin de mois comme boni dont chaque homme touchera sa quote-part... et nous venons de toucher 0 f, 30 (sic).

ON nous avait dit : “Les combattants en ligne toucheront une indemnité de UN franc par journée de tranchée et cela à partir du 1er Avril”. Moi, tout joyeux, qui avais 22 jours de ligne (un record), j’allais toucher la forte somme et prévoyais déjà la formation de la dot de ma fille ; je m’étais dit : “Ma souffrance sera son bonheur”.
Mais d’un trait de plume, on a biffé cette belle promesse et reporté sa réalisation au 1er Mai. Et puis, et puis... toutes sortes de restrictions entortillent encore cette seconde promesse.
ON nous a dit : “Toucheront la haute paye les ceuss... qui combattent depuis deux ans et qui ont fait leur service antérieurement”. J’en suis, mais cette fois, disciple de Saint-Thomas, je ne crois plus.
Arrière, saltimbanques des Folies-Bourbon, et puisqu’on ne vous réclame rien, f... nous la paix ; la paix de votre verbiage, s’entend, car l’Autre, cela nous regarde ; nous ne comptons pas sur vous.
Ici, nous sommes en subsistance. . Ce qui est curieux, c’est que je viens de retrouver Laurent (le professeur de philosophie) comme sergent-fourrier. C’est lui qui est chargé de nous substanter. Donc ce soir, on nous a apporté un brouet noir dans une vaste gamelle ; nous n’avons jamais pu nous mettre d’accord pour savoir si c’était de la soupe ou un plat de légumes ; mais nous avons identifié des lentilles, notre portion de viande avait été oubliée ; un hareng saur complétait heureusement le menu ; un quart de jus arrosait le tout.
Puis pour nous donner l’illusion d’une fête, après ces agapes, à 20 heures, l’ennemi nous offrit un feu d’artifice magnifique. A cette heure, j’ai l’esprit lucide, n’étant pas fatigué par une digestion laborieuse et... quand l’estomac va, tout va. Et maintenant, comme à mes vingt ans je suis convaincu que l’on peut vivre d’amour et... de jus frais.

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prochaine note : 16 mai 2017

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