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12/07/2016

11 juillet 1916

(Lettre écrite et non envoyée)
Depuis le lever du jour notre secteur est très agité ; c’est un peu notre faute, au-dessus de notre position de mitrailleuse il y a un canon de montagne ; les artilleurs doivent être relevés ce soir, et pour ne pas avoir à emporter leurs munitions, ils les prodiguent sur la ligne ennemie.
Évidemment, çà ne peut pas durer sans riposte... Vers midi les Boches qui, sans doute, se sont approvisionnés nous arrosent de torpilles de gros calibre ; jusqu’à 17 heures ce sera sans arrêt ; cela devient inquiétant ; mon poste est repéré ; aussi, à 15 heures, je donne l’ordre de retirer la mitrailleuse et de rentrer à l’abri dans le roc, en face.
La manœuvre commence ; il reste les boites à cartouches à retirer, nous continuons...
Mais à ce moment un obus énorme tombe juste en plein sur nous et écrase tout (malgré 4 couches superposées de rondins de sapin de 0,35 m de diamètre) ; nous étions deux dessous :
mon tireur Le Proust et moi.
Un bruit énorme, une fumée épaisse et âcre, puis une retombée de pierres, de poutres, de terre, de morceaux de ferraille... des craquements inquiétants.., puis le silence...
Je me sens terriblement serré, les reins et les jambes comme amputés ; seuls, la tête et le torse sont à peu près libres. Les rondins se sont arc-boutés et m’ont sauvé de l’écrasement total. J’entends mon caporal, à l’entrée de l’abri, qui commente le coup et affirme que le sergent est
“foutu”. Je le désabuse, en lui criant de venir avec ses hommes voir s’il peut nous dégager.

Le Cor arrive avec du renfort, on travaille au déblaiement cependant que le bombardement continue un peu à notre droite. Le Proust est retiré avec un bras cassé et moi avec les reins très mal en point.., enfin au mieux, étant donnés les frais faits pour nous...
J’expédie Le Proust à la Compagnie, à l’arrière, rendre compte. Deux heures après, le Capitaine arrive avec Védie : félicitations, congratulations. Malgré le désir du Capitaine de me faire descendre et envoyer au “toubib”! je refuse car il n’aurait qu’à m’évacuer, et après où serais-je renvoyé , avec quelle équipe ?
Je vais tant bien que mal rester à mon poste jusqu’à la relève, qui d’ailleurs aura lieu après-demain. Là, j’irai à la consultation et puis je partirai probablement en permission, alors tout ira bien, très bien... Qu’il en soit ainsi jusqu’au bout...

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prochaine note : 12 juillet 2016

 

 

 

10 juillet 1916

Les combats de tranchée à tranchée se poursuivent avec âpreté ce qui ne m’empêche pas de bondir de tempe en temps pour aller casser la croûte avec Le Cor, voisin de campagne.
Les succès des fronts en général ont l’air de s’affirmer, Verdun est définitivement libéré ; notre activité est sévère mais il y a beaucoup de casse...

prochaine note : 11 juillet

 

06/07/2016

6 juillet 1916

Voilà où j’en suis : j’ai marché, j’ai été trempé, je n’ai pas dormi, j’ai mangé dans la boue, puis j’ai dormi sous la pluie ; j’ai remarché, puis j’ai été remouillé ; entre temps, on a dû oublier un repas. Enfin, j’ai trouvé un coin sec sous une grange.
Le soleil se décide à briller et peut-être ce soir serons- nous secs ; j’en profite pour vous donner ce petit mot (qui doit être idiot), mais je ne puis mieux rassembler mes esprits.
J’apprends que nous retournons dans notre ancien secteur.

prochaine note : 7 juillet 2016

 

26/06/2016

26 juin 1916

Au lieu du repos prévu, le Commandant vient de prévoir la montée en ligne de la 1ère C.M.
C’est abuser, car sur deux compagnies, la première (qui est la mienne) est comme par hasard toujours désignée pour repartir ... du pied droit.
Sur notre protestation, il est décidé que nous resterons au repos, la 2ème C.M. prendra son tour. Une vieille maison nous abrite, un peu trouée, mais ayant tout de même ses murs.

prochaine note : 6 juillet 2016

 

24/06/2016

24 juin 1916

 Que je regrette de manquer de temps et de force pour vous dire mon départ de la Cote 310 dans cette nuit du 23 au 24... nuit noire illuminée seulement par le tir des projectiles et l’incendie de Montzéville dont les ruines brûlaient.
Je suis fourbu, j’ai 36 heures de travail sur pied, je n’ai pas pris un instant de sommeil et j’ai marché 25 km. Pour descendre de la Cote 310 à travers les trous, les précipices, nous avons dû lutter héroïquement pour sauver notre matériel ; j’ai failli perdre mon caporal Barbarin qui, alourdi de son fourniment, était tombé à plat ventre dans un trou de 4 mètres de fond. Nous l’avons retrouvé grâce à ses appels.
Au bas de la Cote, impossible de rassembler mes voiturettes car les mulets effrayés ne voulaient plus rester en place ; leurs conducteurs ne pouvaient les retenir et ne s’acharnaient pas à les violenter. Aussi, malgré mes appels impératifs, ce fut une fuite éperdue vers l’arrière ; nous nous sommes retrouvés au bivouac, mais ils avaient gagné l’étape au sprint.., ce qui d’ailleurs ne leur valut pas des compliments.
Joint le régiment à cinq heures du matin : marche vers Osches, à la halte-repos, grande revue et remise de décorations (à ceux du bivouac bien entendu, enfin justice est faite...) ; déjeuner sur l’herbe arrosé par les pluies du ciel.
Arrivée à Osches à 15 heures : nettoyage, course au pinard, bavarding avec les copains des compagnies retrouvées, et enfin, je vais pouvoir dormir...
Réveil Dimanche à 4 heures : jus, départ à 5 heures.

Erratum : Nous n’allons pas comme je l’avais cru au repos ; mais aucune inquiétude à avoir : nous ne reverrons jamais ce que nous venons de quitter.
Comme c’est gai de retrouver les villages de l’arrière ; c’est beau, la paix... les champs de blé, les paysans, les femmes, les vieux, les adolescents... Cela nous ravit de contempler ces êtres et ces choses ; nous sommes depuis si longtemps sevrés de ce qui fait une société.

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prochaine note : 26 juin 2016

 

22/06/2016

22 juin 1916

 Toujours sur notre cote 309 - 310 - La bataille continue. Midi - Un cycliste est signalé sur la route ; c’est celui de notre régiment ; que peut-il bien venir faire à cette heure dans notre plaine chaotique et désertique ? Que se passe-t-il, que vient-il nous apprendre ?
C’est l’ordre de relève du régiment tout simplement.
Tout ce que vous aviez souhaité vient d’arriver ; ce sera le départ pour le 24 Juin de notre 30ème régiment territorial qui quittera cette terre d’épouvante pour aller se refaire à Osches, à 20 kilomètres environ au sud de Verdun. ,
Enfin, nous allons vivre un peu ; et puis, les permissions qui avaient été supprimées pendant cette grande offensive vont sans doute reprendre, et j’espère ainsi vous voir plus tôt.
En somme, nous allons quitter l’endroit certainement le plus dangereux que nous ayons occupé jusqu’alors : hier au soir, cinq hommes de la 3ème Compagnie ont été tués et plusieurs blessés ; il est temps que l’on fasse rentrer le 30ème si l'on désire en voir encore quelques survivants ; les combats ici sont
terriblement durs et les duels d’artillerie se poursuivent
sans interruption.

ORDRE GENERAL N° 234 du 15ème corps d'Armées

Au moment où les Bataillons des 30e et 50e M.I.T. quittent le secteur du Groupement, le Général commandant le 15e Corps d’Armée tient à leur exprimer sa satisfaction pour le zèle et le dévouement dont ils ont fait preuve pendant tout le temps qu’ils ont passé sous ses ordres.
Par leur travail exécuté de nuit dans les circonstances les plus dures et les plus dangereuses, ils ont largement contribué au renforcement de notre position et à la défense générale du secteur.
Au Q.G.C.A. le 22 Juin 1916
Le Général commandant le 15e Corps
Signé : de MAUD’HUY

 Lettre à la suite de l’Ordre Général 234 -
Au Lieutenant-Colonel commandant le 30e T

Mon cher Colonel -
Vos deux Bataillons nous quittent ; un ordre du Corps d’armée les remerciera. Mais je peux vous dire personnellement pour que vous le répétiez à vos braves soldats combien j’ai apprécié les services qu’ils nous ont rendus.
Ils ont peiné, ils ont souffert, beaucoup sont morts ou ont été blessés, mais leur travail a contribué puissamment au maintien de notre position et a sauvé la vie de nombreux camarades. Merci donc à vous et au 30e T.
De MAUD’HUY

prochaine note : 24 juin 2016