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17/06/2016

17 juin 1916

 Au BIVOUAC -
Comme je revis en ce moment... Le temps a bien voulu nous être favorable et nous avons pu nous nettoyer ; et puis, on n’a plus froid et l’on peut se mouvoir.
Aussi j’en ai profité pour m’esquiver après la soupe et pousser jusqu’à Dombasle. Je suis entré dans ce petit pays déserté ; tout est éventré, ouvert à tout les vents ; on pénètre partout, et partout on trouve la ruine et la désolation.
Je me suis attardé dans les intérieurs, revivant la vie intime des fugitifs ; là, des livres pieux indiquent un foyer chrétien ; ici, du linge croule d’une armoire défoncée ; une petite poupée dresse son moignon dans un appel désespéré à sa petite maîtresse ; les choses profanes voisinent avec les choses sacrées.
L’église a un aspect à la fois sinistre et magnifique :. dans sa détresse ; puis c’est la Cure où j’ai cherché en vain dans la bibliothèque de Monsieur le curé un souvenir de petite dimension et de grand intérêt; je n’y ai trouvé que le renseignement qui est au dos de cette feuille et que j’avais cherché longtemps dans ma jeunesse (1).
En ce pauvre appartement, quel saccage... Le génie du mal et de la destruction a passé là.
D’une fenêtre béante, j’aperçois le jardin ; je passe sur des monceaux de tuiles, de poutres, et me voilà parmi les roses.

Oh, la splendide nature et comme elle fait honte à la laideur des hommes ; la “Gloire de Dijon” m’attire par sa pourpre si riche, puis la “Maréchale Niel” m’offre sa senteur de miel, les “Reines des reines” me font souvenir des temps gracieux de la vieille monarchie cependant que la “France” radieuse dresse en un défi orgueilleux sa fine silhouette au dessus de ce parterre enchanteur.
J’ai voulu voir là le symbole de notre cher Pays trop poli, trop doux, trop altier pour ne pas, toujours et malgré tout, s’élever par l’élégance et la beauté au-dessus des autres. J’aurais voulu pouvoir faire une grande moisson de toute cette beauté pour la jeter à vos pieds ; il y avait de quoi contenter une reine...

1) DIES IRAE : Chant de deuil de l’ Eglise -
Attribué au Cardinal Malabranca, neveu du Pape Innocent III et évêque de Velletie (?) au XIIIe siècle.
Le rythme musical de cet hymne et les paroles ont fait le désespoir des compositeurs comme des lettrés.

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prochaine note : 22 juin 2016

 

16/06/2016

16 juin 1916

 J’ai oublié de vous mentionner l’explosion du dépôt de munitions de Dombasle-en-Argonne. Les Allemands avaient repéré ce dépôt depuis longtemps et s’acharnaient à y placer un obus qui pût produire une catastrophe.
Après avoir toute une matinée fait choir des obus un peu partout, à l’heure de midi il en tomba un en plein centre. Ce fut une explosion formidable et les obus en dépôt explosant simultanément étaient projetés à des 100 et 200 mètres de haut et à plus de 500 mètres de longueur.
Il en vint tomber jusqu'à nos pieds (nous étions à environ un petit
kilomètre) ; l’un faillit même tuer Le Cor qui en fut quitte pour une violente bousculade que je lui appliquai voyant arriver le bolide ; je le plaquai d’un rude coup de poing qui le fit s’étaler à plat ventre ; j
e reçus pour remerciement un « ..spèce de brute ». L’obus s’était coulé d’environ deux mètres dans le sol ; nous pûmes le contempler tout à l’aise...
Et ces explosions se poursuivirent jusqu’à 5 heures du soir sans arrêt.

grande guerre,tranchées,verdun,première guerre mondiale,1914-1918

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prochaine note : 17 juin 2016

 

15/06/2016

15 juin 1916

 C’est toujours le froid mais je vais abandonner mon plateau et redescendre au bivouac. Cette nuit, la course sera rude et dure à travers un terrain ravagé ; nous partons avec un liquide chaud vers 22 heures et nous ne serons pas arrivés avant la 23ème ou 24ème heure; là seulement, nous pourrons peut- être manger... s’il reste quelque chose.
Enfin, ce sera un peu de repos. Pourvu que le sol soit épongé, c’est là ma seule exigence ; quelle sainte horreur j’ai de la boue et de l’humidité... Je préfère un bombardement de 48 heures à 24 heures de pluie ; au moins on court sa chance et il n’y en a pas pour tout le monde. A preuve...

prochaine note : 16 juin 2016

 

13/06/2016

13 juin 1916

 Le soleil nous avait fait croire à sa réconciliation... il faut abandonner toute espérance ; c’est à nouveau les mauvaises journées qui nous font presque regretter l’hiver.
Nous sommes dans la boue, obligés, de faire des prodiges quand nous voulons nous étendre pour n’être pas absolument noyés ; nous récoltons tout ce que nous pouvons trouver : tôle, bâches, morceaux de bois, vieille armoire, vieux sommier (d’où sont-ils venus ?) pour arrêter cette boue liquide qui nous enrobe.
Il y a des stalactites dans nos gourbis, voire même des stalagmites... Heureusement notre Compagnie qui est au bois St-Pierre fait tout le nécessaire pour nous envoyer le ravitaillement possible (ce qui ne va pas bien loin).
Enfin, nous améliorons autant que nous pouvons notre situation, mais je crois que nous rentrerons bien décrépis... Comme les heures sont longues à vivre cette existence de cloportes...
Aussi ne faut-il pas tant admirer et crier au courage lorsque l’on s’élance sur le plateau malgré la rafale ; si vous saviez ce que c’est bon de pouvoir aller le nez au vent avec l’horizon devant soi...
Est-ce vivre que d’être des semaines dans
un tombeau ? Jusqu’alors on n’y mettait que les morts ; pour moi, plutôt mourir au soleil que de vivre ainsi enterré.

prochaine note : 15 juin 2016

 

12/06/2016

12 juin 1916

PENTECÔTE : Quel beau jour... Gel, neige, bourrasque et ... l’Allemand.
Finette, ma petite chienne, va mieux ; elle aussi fait sa guerre et courageusement attaque les rats.

prochaine note : 13 juin 2016

 

06/06/2016

6 juin 1916

Et notre vie continue : lutte contre l'Allemand, lutte contre les éléments et privations matérielles poussées à l’extrême. Nous n’avons qu’un repas par jour et encore nous n’en savons pas l’heure; il faut vivre sur ses réserves et attendre qu’il fasse noir pour entendre l’appel du voiturier qui vient de l’arrière à travers le bombardement nous apporter quelques provisions ; entre autres, de l’alcool solidifié pour faire chauffer ce que nous “pourrions avoir”...

prochaine note : 12 juin 2016