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24/10/2017

24 octobre 1917

 

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"Ma chère fille,

En voyant cette aimable binette, tu voudras bien me plaindre un peu plus. Que je sois obligé de faire la guerre c'est déjà très dommageable à ma douce santé, mon cœur (de part votre faute) saigne douloureusement. Mais que ma vue si délicate soit offensée de pareilles visions, c'en est trop. Certes Darwin avait fait son voyage en Allemagne alors qu'il formulait son affirmation sur l'origine du bipède ci-présent.

Triste guerre, où l'homme se bat contre le singe, allez donc vous étonner après cela, infortunés Poilus, si vous en mangez si souvent! Mais vraiment ce ne peut être de la même espèce car certes nous serions empoisonnés.

Je n'ai qu'une peur, c'est que des profondeurs de la terre (j'aurais pu dire De profundis, ça aurait été plus court) ils ne ressuscitent, et que nous les retrouvions dans l'après guerre accrochés à nos grands arbres, toujours aussi grimaçants, aussi malfaisants. Si l'on voulait m'en croire, on laisserait faire les Américains, gens pratiques. Ceux-ci, en leur soufflant l'idée, n'hésiteraient pas un seul instant à les accommoder en viandes de conserve, la mise en boîte serait de rigueur et après la guerre on les passerait aux jeunes boches affamés. Nous ferions des bénéfices appréciables car ils sont gros mangeurs. Et enfin on pourrait vendre sur le nom véritable de singe de conserve.

Quoi! Ne criez pas au scandale, n'est-ce pas aux pères à nourrir les enfants?

Donc je suis moral, je suis pratique par dessus le marché.

Au revoir ma chère Raymonde

et surtout conserve ton calme,

ma folie est très douce."

prochaine note : 2 novembre 2017

 

09/07/2016

9 juillet 1916

Je me retrouve au Four de Paris dans des emplacements que j’ai construits il y a un an à pareille époque, mais quel ravage... Les pluies torrentielles ont tout éboulé ; ce sont de véritables petits torrents de boue liquide ; les sapes, les abris sont transformés en grottes ruisselantes, c’est simplement horrible.., et c’est là qu’il faut vivre en attendant de mourir.
Notre relève commencée hier à 20 heures s’est terminée à une heure du matin elle a été extrêmement pénible ; les hommes étaient surmenés à ce point que j’en ai vu pleurer de rage...
En ce moment, un bombardement terrible se poursuit, nous ne pouvons
sortir de nos cloaques. Ici, nous sommes en 1ère ligne, nous avons relevé le 72ème actif. Chose curieuse : j’ai retrouvé à deux pas de moi Le Cor (qui est sous-lieutenant) avec sa section d’infanterie.

Je viens d’apprendre une triste nouvelle : la fin glorieuse de mon ami le sous-lieutenant Eymain, tué à Courtes- Chausses en Argonne, à côté de ma position. C’était un brave homme et un homme brave, d’une honnêteté parfaite, d’un moral très élevé. Je l’avais connu au Cours d’Eclaron et nous avions été depuis très intimes.
Il est mort magnifiquement, en tranchée de 1ère ligne ; un entonnoir ayant été ouvert entre sa position et celle de l’ennemi, il s’élança pour l’occuper ; ses hommes mirent plus de temps à le suivre que l’ennemi à accourir et il y fut tué.
Cet homme aurait pu rester tranquille, car vu son âge (quarante ans) il avait été versé dans un régiment à Orléans où il pouvait grâce à son instruction rester dans les bureaux.
Comme il était célibataire, il demanda lui-même à partir dans un régiment actif. Si beaucoup de français avaient eu cette mentalité, le mot d’embusqué n’aurait pu trouver place au dictionnaire.

prochaine note : 10 juillet 2016

 

 

 

07/07/2016

7 juillet 1916

Sommes de passage à Bellefontaine. Le 28ème est parti dans la Somme ; je ne reverrai pas Chauveau. Chaque jour, nous recevons des averses diluviennes et de ce fait nous sommes aussi mal que possible ; on ne peut prendre de repos, on mange debout et on dort de même.
Je crois que nous reprendrons la ligne vers Courtes-Chausses ou la Haute-Chevauchée. J’espère en une prochaine permission.

prochaine note : 9 juillet 2016

 

06/07/2016

6 juillet 1916

Voilà où j’en suis : j’ai marché, j’ai été trempé, je n’ai pas dormi, j’ai mangé dans la boue, puis j’ai dormi sous la pluie ; j’ai remarché, puis j’ai été remouillé ; entre temps, on a dû oublier un repas. Enfin, j’ai trouvé un coin sec sous une grange.
Le soleil se décide à briller et peut-être ce soir serons- nous secs ; j’en profite pour vous donner ce petit mot (qui doit être idiot), mais je ne puis mieux rassembler mes esprits.
J’apprends que nous retournons dans notre ancien secteur.

prochaine note : 7 juillet 2016

 

26/06/2016

26 juin 1916

Au lieu du repos prévu, le Commandant vient de prévoir la montée en ligne de la 1ère C.M.
C’est abuser, car sur deux compagnies, la première (qui est la mienne) est comme par hasard toujours désignée pour repartir ... du pied droit.
Sur notre protestation, il est décidé que nous resterons au repos, la 2ème C.M. prendra son tour. Une vieille maison nous abrite, un peu trouée, mais ayant tout de même ses murs.

prochaine note : 6 juillet 2016

 

24/06/2016

24 juin 1916

 Que je regrette de manquer de temps et de force pour vous dire mon départ de la Cote 310 dans cette nuit du 23 au 24... nuit noire illuminée seulement par le tir des projectiles et l’incendie de Montzéville dont les ruines brûlaient.
Je suis fourbu, j’ai 36 heures de travail sur pied, je n’ai pas pris un instant de sommeil et j’ai marché 25 km. Pour descendre de la Cote 310 à travers les trous, les précipices, nous avons dû lutter héroïquement pour sauver notre matériel ; j’ai failli perdre mon caporal Barbarin qui, alourdi de son fourniment, était tombé à plat ventre dans un trou de 4 mètres de fond. Nous l’avons retrouvé grâce à ses appels.
Au bas de la Cote, impossible de rassembler mes voiturettes car les mulets effrayés ne voulaient plus rester en place ; leurs conducteurs ne pouvaient les retenir et ne s’acharnaient pas à les violenter. Aussi, malgré mes appels impératifs, ce fut une fuite éperdue vers l’arrière ; nous nous sommes retrouvés au bivouac, mais ils avaient gagné l’étape au sprint.., ce qui d’ailleurs ne leur valut pas des compliments.
Joint le régiment à cinq heures du matin : marche vers Osches, à la halte-repos, grande revue et remise de décorations (à ceux du bivouac bien entendu, enfin justice est faite...) ; déjeuner sur l’herbe arrosé par les pluies du ciel.
Arrivée à Osches à 15 heures : nettoyage, course au pinard, bavarding avec les copains des compagnies retrouvées, et enfin, je vais pouvoir dormir...
Réveil Dimanche à 4 heures : jus, départ à 5 heures.

Erratum : Nous n’allons pas comme je l’avais cru au repos ; mais aucune inquiétude à avoir : nous ne reverrons jamais ce que nous venons de quitter.
Comme c’est gai de retrouver les villages de l’arrière ; c’est beau, la paix... les champs de blé, les paysans, les femmes, les vieux, les adolescents... Cela nous ravit de contempler ces êtres et ces choses ; nous sommes depuis si longtemps sevrés de ce qui fait une société.

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prochaine note : 26 juin 2016