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26/12/2015

26 décembre 1915

La canonnade a repris, le secteur devient mauvais.
La matinée est belle, un peu de soleil... c’est à qui sortira pour jouir de la lumière.
Le chanteur de la nuit de Noël sort et pousse son “ut” de poitrine - Un bruit déchirant, une avalanche de terre et de pierres - une âcre odeur de soufre. C’est un 105 qui vient d’exploser juste à l’entrée de notre sape, là où était le chanteur - Horreur... il n’y est plus, et parmi les éboulis, les rondins enchevêtrés, nous ne retrouvons plus de lui que quelques débris de son pantalon.
Ainsi a fini une belle jeunesse, un bel enthousiasme, une vie...

prochaine note : 15 janvier

25/12/2015

25 décembre 1915

Noël...
Ce jour anniversaire de la grande joie catholique évoque pour tous ici des réjouissances familiales qui nous rendent notre vie actuelle un peu plus amère.
Cependant il paraît que l'arrière pense à nous, et l’on apprend que des douceurs vont arriver. En effet, à la corvée de la soupe ce soir à 5 h., les hommes sont venus au blockhaus les musettes gonflées, les bidons emplis.
Comme des enfants tous se précipitent pour contempler le menu ; quel festin, grand Dieu... Soupe, rôti, fromage, oranges et un cigare par « bouche », du Pinard (1/2 litre) et la Gnôle (eau-de-vie) ; çà, c’est la fin des fins...
Aussi le moral se relève et les chansons commencent; on sort dans la tranchée, car une sorte de trêve s’est établie, le canon se fait plus discret. Et en face, on chante aussi - Nous entendons de loin en loin des chants nostalgiques.
Minuit... Un poilu à la belle voix entonne le ”Minuit,chrétien,” un grand silence se fait.... et chez Fritz: - cette fois, une voix reprend le chant d’allégresse... C’est émouvant et déconcertant....

prochaine note : 26 décembre

21/12/2015

21 décembre 1915

Ayant quitté mon repos, je viens de me retrouver en ligne dans un énorme blockhaus, face au plateau de Bolante ; c’est là sans aucun doute où je finirais cette année 1915 si Dieu me prête vie.
La gelée a fait son apparition, le terrain s’est enfin durci ; on marche plus facilement et tout de même le séjour dans la terre sera moins malsain.
J’ai avec moi deux pièces mitrailleuses dont l’une est commandée par le caporal Kremer qui, en permission, est remplacé actuellement par Nexon ; cela est très heureux car ce dernier, malade en ce moment, n’aura pas à assurer les veilles au créneau ; il pourra donc relativement se reposer.
Depuis hier soir il neige et la triste Argonne a revêtu sa parure blanche. Le front, bruyant hier, est enseveli sous le silence ; la mort de la nature semble avoir calmé la rage les hommes.

prochaine note : 25 décembre

13/12/2015

13 décembre 1915

M. Maury, poète chansonnier en visite dans ma petite cahute, a chanté pour moi des chansons inédites écrites depuis la guerre. J’en ai retenu une qui est parfaite : “Quand nous serons vieux. . .“ et que je veux apprendre pour vous la chanter.

prochaine note: 21 décembre

12/12/2015

12 décembre 1915

Descendu des lignes : au repos, dimanche.
Hélas, il pleut, il pleut, il pleut... C’est dans une boue liquide que j ‘ai cheminé ; en sortant du cimetière où je croyais rester enlisé, j’entrais à l’église des Islettes ; il était neuf heures ; à ce moment l’aumônier ne trouvant que moi comme fidèle me demanda si je pouvais ou voulais lui prêter assistance pour mettre ses cloches en branle.


Sur mon affirmation (lui offrant à défaut de savoir mes bras et ma bonne volonté), nous montâmes au clocher et c’est ainsi que le 12 Décembre de l’An de Grâce et ... de cataclysmes 1915, votre sous-officier mitrailleur invitait les Meusiens à venir prier le Dieu tout puissant pour le salut de la France et la perte de ses ennemis.


J’assistais à une grand messe fort bien chantée, car il ne manque pas d’artistes aux Islettes (c’est la petite patrie des embusqués), mais l’assistance était évidemment peu banale :
quelques femmes en deuil, des officiers pimpants d’Etat-Major, les poilus boueux, sales, hirsutes faisant une masse grise et triste ; l’autel seul semblait chatoyant, rutilant de lumière et de fraîcheur, donnant bien ainsi la différence du ciel à la terre.


Alors ayant pendant quelque temps perdu de pensée le bruit du canon, le mouvement des masses, les cris, les ordres, les contre-ordres et tout ce qui fait la sujétion de ces longs mois de lutte, j‘ai regagné la Thibaudette dans un demi-rêve de paix.


On a  enfin achevé ici une maison de bois et de boue, c’est à-dire en torchis, très confortable avec lits suspendus ; nous sommes deux sous-officiers et il y a place pour six; ainsi donc très à l’aise et surtout l’esprit au repos, loin du bruit des poilus, enfin un peu isolés... Dieu, que cela parait bon.

 

prochaine note : 13 décembre