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28/10/2016

28 octobre 1916

 Après avoir passé plusieurs jours vers la Butte du Mesnil où vous ne m’attendiez certainement pas, on vient de me faire descendre précipitamment au camp I.
A 5 h., je reçus l’ordre de redescendre au camp, après avoir été relevé par un sous-officier de mes collègues. Je devais être présent ce matin à une prise d’armes en l’honneur des “cités” qui n’avaient pas reçu leur croix.
Quel désastre, mes aïeux... S’en aller par une nuit d’encre, à travers la boue, sous la pluie, dans un dédale de boyaux avec au bout une route de 14 km. Non, vous ne pouvez rien imaginer de pire. J’ai peiné et expié dans cette soirée toutes mes fautes passées, présentes et à venir... J’aurais préféré embrasser mon colonel comme punition.
Je me suis retrouvé fangeux, boueux, mouillé, débraillé, la face congestionnée, l’œil fou, farouche au point de faire les pires choses. Et de fait, ayant perdu la mesure de tout et bravant la mort, j'avalais... (ici tremblez) une large goutte de “gnôle”.
Alors petit à petit, la paix se fit en mon âme débonnaire et je retrouvai, grâce à cet excellent jus de betterave.., un peu d’esprit et... ma couchette. Je m’y endormis promptement.
Ce matin, frais, dispos, la houpette en bataille, je me levai pour absorber le jus national. Deux poilus réquisitionnés vinrent s’escrimer sur mes bas de chausses méconnaissables, cependant que je travestissais le sergent désastreux, mais magnifique de la tranchée, en une sorte de jeune.. (pardon, çà m’a échappé) sous-officier d’opéra-comique.
9 h.30 : Zim, boum, boum. Garde à vous... Au drapeau...
Ouvrez le ban.
Discours patriotique par le Colo (auquel il est resté un bœuf sur la langue ; c’est bizarre, il ne mange que du gigot ; enfin passons...)
Pan : Félix Basin (25me du nom) est décoré...
Compliments,.. Fermez le ban.
Défilé, conduite du drapeau (On le rentre, car on craint qu’il pleuve)
Séparation, félicitations, congratulations, tout est fini, amen...
10 h.1/2 : repas de circonstance (soupe, bœuf gros sel).
1/4 de vin
Çà n’a l’air de rien un petit récit comme çà, eh bien moi qui vous l’écrit et qui ai tout de même l’âme tendre, je me sens ému...

Et maintenant, heureux, confiant et ... modeste, je contemple la douce campagne de France qui, à son tour, me sourit et semble satisfaite de compter un héros de plus. Il faut bien se connaître pour se bien porter ; je dois en ce cas aller très bien ; aussi, j’espère que la présente vous trouvera de même...

prochaine note : 2 novembre 2016

 

 

 

 

 

15/10/2016

15 octobre 1916

 Nous avons appuyé à droite dans un secteur relativement calme où rien de notable ne se passe.

prochaine note : 28 octobre 2016

 

 

04/10/2016

4 octobre 1916

Nous avons légèrement changé de secteur. J’ai occupé dans la nuit un nouveau “gourbi” et, en regardant mes aîtres d’un peu près à la bougie, je me suis aperçu qu’un poilu enterré sous mes pieds est là depuis le 30 octobre 1915.
C’est un chasseur à pied d’Arras (Charles Cuvellier) ; j’avais accroché mon fourniment après la croix où j'ai lu ces renseignements. C’est un très paisible camarade et qui semble attendre sans aucune espèce d’impatience la fin du drame.

Hier matin vers trois heures, un homme de garde, une fois sa faction terminée, s’est tué d’un coup de fusil près de nous ; il en avait assez, il s’en est allé voir chez les morts s’ils sont aussi bêtes que les vivants... Mais il a bien agi envers ses camarades car il a voulu monter sa dernière faction pour ne pas en laisser la charge à un autre.
Cependant ses compagnons lui ont adressé un reproche : celui d’avoir bu sa dernière “gnôle” avant de s’expatrier. “Puisqu’il voulait mourir, il aurait pu nous la laisser...’
Comme vous le voyez toutes sortes de petites sensations aimables nous sont réservées ; vraiment on se demande comment on peut s’ennuyer ici...

prochaine note : 15 octobre 2016