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17/11/2016

17 novembre 1916

 Et le travail et les gardes ont continué.., et les jours ont passé.
Je sais que vous aussi avez toutes sortes de petites misères et cela me fait sourire amèrement quand je me reporte aux sornettes de 1914 où la presse gouvernementale laissait imprimer des bourdes comme : “ L’ Allemagne manque de tout..., Nous entrons à Mulhouse... etc...”
Avais-je assez raison de dire de ne pas chanter trop vite notre triomphe ? Quand on veut la victoire, il faut la préparer et la gagner. Aux premiers jours d’Août, il ne suffisait pas de démolir les boutiques Maggi et de crier “A Berlin”.
Je reste néanmoins convaincu de notre victoire, mais nous la paierons terriblement cher grâce à notre imprévoyance et à notre trop belle assurance.

prochaine note : 1er décembre 2016

 

10/11/2016

10 novembre 1916

(carte envoyée à sa fille Raymonde)

En Angleterre. Et nous en avons 6.000.000 comme ça.
Ma chère Petite Ray

Je t'adresse à toi cette carte, car je suis fâché avec ta maman. Surtout ne le lui dis pas. Ce merveilleux soldat de la très noble Albion doit vous remettre en confiance, surtout en songeant au nombre considérable de pareils. Et c'est un réconfort de penser qu'ils seront tous prêts pour la  prochaine guerre (celle-ci les ayant un peu surpris). A nous de tenir encore quelques décades et de conclure cette première manche. N'oublions jamais que Français et Anglais sont les seuls qui aient pu faire la guerre de Cent Ans. Déduction : les boches seront vaincus. Et moi : sans doute réformé par ancienneté de classe.

A toi de tout mon coeur

ton vieux FB

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prochaine note : 17 novembre 2016

08/11/2016

8 novembre 1916

(carte non envoyée)

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8novembre16.jpg

Aux armées

Le 8 novembre 1916

Ce pauvre permissionnaire rêveur n'a pas trouvé ce qu'il attendait. C'est qu'il a bien changé pendant ces deux années, j'allais dire ces deux siècles.

Le poilu endolori par tant de secousses est devenu d'une sensibilité excessive. Endoloris physiquement par la guerre, ils ont le cœur à vif, ces malheureux hommes. Ils ont trop réfléchi, trop rêvé, trop imaginé, habitués aux obus et à la mort, ile craignent les mots sceptiques, les regards indifférents qui blessent, en somme de grands enfants, et il faut si peu de choses pour que les enfants aient du chagrin.

Dans leur solitude, ils ont magnifié leur amour par les songes, par les regrets, par l'espérance... Des tranchées chaque nuit s'élèvent des millions de nostalgies et de désirs qui peut-être s'en vont troubler les femmes restées à la maison.

Hommes égoïstes, pourquoi vouloir que l'on souffre de votre absence?

Oh! Pas par méchanceté, nous savons trop ce qu'est la souffrance. Mais cette philosophie console (?) qui permet d'oublier parce que le temps est long et que l'absent tarde à revenir.

Perce (?) Prier (?) douloureusement le cœur du poilu. Et les retours sont bien tristes après ces pénibles constatations.

prochaine note : 10 novembre 2016

 

03/11/2016

3 novembre 1916

Le travail de Pénélope continue, nous le faisons maintenant dans la nuit et les Boches profitent d’une belle lune pour nous arroser copieusement. Nous venons d’apprendre que le fort de Vaux est pris ; j’attendais en effet un résultat heureux, étant donné que nous recevons “par discours” de Lord Gray un sérieux renfort anglais...
Encore un ou deux semblables, quelques Hip, Hip, Hurrah... 500 000 Français lancés en avant et les Boches seront chez eux.
Je n’ai pas eu de nouvelles de Le Cor depuis son départ, je sais qu’on a dû le diriger vers la Somme.

prochaine note : 8 novembre 2016

 

02/11/2016

2 novembre 1916

 Je profite après cette longue et laborieuse journée d’un moment relativement calme pour vous écrire. Seul dans le fond de ma sape, seul au figuré, j’ai six hommes qui dorment autour de ma table sur laquelle un quinquet fumeux donne une lumière douteuse ; les autres sont aux pièces, dehors, dans une tranchée éboulée, véritable cloaque dans lequel nous avons lutté toute la journée, dans une “poisse” horrible sous la pluie...
Mais heureusement tranquillité presque totale de la part du Boche que nous soupçonnons d’avoir le même tintouin. Que nous regrettons notre Argonne où nos ouvrages se tenaient... comme nous-mêmes. Ici, c’est lamentable, de la craie en pâte, un véritable lait de chaux impossible à retenir en remblai, se collant à nos godillots déjà si lourds.
J’ai couru toute la journée d’un point à l’autre, consolidant ici, bouchant par là, secourant mes pièces qui menaçaient d’être ensevelies ; les hommes sont exténués par ce dur travail de terrassement, par les services de garde très sévères (plus de six heures de veilles chaque nuit dehors, sans abri par tous les temps), par les corvées de soupe qui sont simplement affreuses (une heure et demie de course dans les boyaux aller et retour avec la charge au bout des bras, que l’on doit tenir à cause des parapets un devant et un derrière soi, les boyaux n’ayant que 70 cm de large en moyenne, les escalades à chaque éboulement rencontré ou le bourbier à traverser suivant la montée ou la descente du terrain...).
Je vous dis tout cela pèle-mêle, comme nous le trouvons, et puis, dois-je vous l’avouer, j’ai grande envie de dormir... mais je n’ose le dire quand je vois ce que je suis obligé d’exiger de mes hommes.

prochaine note : 3 novembre 2016