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02/01/2017

2 janvier 1917

Retour de fugue : me voici de nouveau à Bouy.
Certes je suis rompu mais l’esprit reste intact, je repose mes jambes et fais fonctionner seulement mes pauvres méninges.
Je veux vous dire les multiples péripéties de mon retour.
Donc à peine vous avais-je quittées à la Gare de l ’Est qu’avec mon ami Plichon nous nous dirigeâmes vers le tourniquet, petit passage insignifiant en apparence mais qui, quelquefois, cache sous des dehors innocents de sombres embûches. Il n’en était rien heureusement...
Aussi quelques minutes après, nous étions confortablement installés dans un compartiment de seconde classe dans le grand express de Chalons.
Douze heures sonnèrent au beffroi de la Gare et notre train s’ébranla, nous roulions vers notre Destin... Br... Br... Après avoir passé la petite et la grande banlieue, nous vîmes défiler les magnifiques coteaux de la Champagne vinicole.
Bercés par la douce vitesse du train, l’esprit au repos, le regard errant sur le paysage, nous nous laissions aller à nos rêves paisibles.

 Mais un brusque arrêt nous rappela à de plus justes réalités et la silhouette inélégante, abhorrée et redoutée d’un “cogne” apparut dans le couloir : décidément le Ciel était contre nous...

 Ne blasphémons jamais, non : le Ciel était pour nous et le “cogne” contre ... les civils (visite des laisser- passer pour la zone des batailles). Merci, mon Dieu...
Il était trois heures et nous étions à Epernay. À ce moment, nous eûmes l’impression que nous n’arriverions pas pour la correspondance et nous eûmes froid dans le dos...
Mais comme je vous l’ai dit, le Ciel était avec nous ; nous repartîmes d'Epernay avec l’espoir que le train de correspondance nous attendrait, comme un contrôleur nous l’avait dit.
Hélas, la halte, la fâcheuse halte à travers la campagne fut notre partage et 50 minutes durant (cinquante minutes, dis- je) nous dûmes attendre une voie libre. C’en était fait de notre arrivée... Il y eut une minute de prostration pendant laquelle nous comprîmes l’inanité de nos efforts ; si près du port, il fallait sombrer...
Mais un poilu ne désespère jamais complètement... Comme sous un tunnel, nous entrâmes dans la gare de Châlons toute noire (aucune lumière) à 16h30 exactement, c’est-à- dire une heure et quart après le départ du train qui devait nous prendre pour Mourmelon.
Nous nous enquîmes de suite de ce qui restait à faire et nous apprîmes après bien des palabres (plus ou moins pâteuses et vaseuses, car c’était Jour de l’An, ne l’oublions pas...) que seul, un train partant à 17 heures et allant vers Sainte-Menehould pouvait nous mener jusqu’ à St-Hilaire, station à 11 km 800 de Mourmelon -le-Petit.
Nous calculâmes (Dieu, quel verbe...) que ce “rapide” nous déposerait à la station à 17h30 et qu’il nous resterait ainsi trois heures pour arriver avant que ne se déclenche le bruit sinistre de l’appel, marquant notre arrêt.
Bravement, stoïquement, ne nous laissant point arrêter par les dires des uns et des autres, nous partîmes à travers ce beau pays de France, dans la nuit, sinon vers la gloire, du moins vers le Devoir...
Les premiers kilomètres furent franchis rapidement, mais le temps était lourd et bientôt nous souffrîmes péniblement de cette marche “foudroyante” sur terrain gras... et puis, toujours cette inquiétude d’une marche dans l’erreur. Sans doute, quelques rencontres nous assurèrent de notre bonne direction, mais ces assurances venaient de cerveaux très échauffés (c’était Jour de l’An, ne l’oublions pas...).
Je passe les multiples incidents de route (car une feuille “Grand Aigle” ne suffirait pas à cette narration) depuis la sortie de la gare de Sainte Hilaire jusqu’au “Halte-là...” d’une sentinelle qui ne voulait pas nous laisser passer, et qui, finalement, nous indiqua ou plus exactement noue confirma notre route.
“Au but, direz-vous...” J’y arrive et certes, je dois l’avouer, il me fit davantage plaisir à toucher hier qu’aujourd’hui.
Donc nous voici à Mourmelon-le-Petit ; fiévreux, mais ne perdant pas le ”Nord”, j'achète une bouteille de “Moulin à Vent’ (seul vin restant dans le pays, car c’est Jour de l’An, ne l’oublions pas) et nous repartons car il faut arriver avant l’heure fatale.
Le Centre, enfin...
La chambrée: Vous... Ah...Tiens, déjà ?
Mais, pourquoi si vite ?
Comme vous avez eu tort ...
Fallait attendre Dimanche, vous auriez eu 48 h.
Nous : Alors, rien pour nous ?
Eux : Rien, mes potes...
Nous : Aucun appel, rien de vu ?
Eux : Vous pouviez roupiller tranquilles, rien de rien...
Nous : Ah, merci mon Dieu...

Pâmoison (Nous tombons à bras raccourcis sur la bouteille de pinard 1ère classe)
Nous ne nous réveillerons que huit heures après et ne reprendrons nos sens qu’au cours de la journée en contemplant la forme aimable du “Grand Haricot”.
Et voilà réédité le “Train de 8h47” de Courteline , de si joyeuse mémoire.

                                                                                                       prochaine note : 7 janvier 2017

 

 

 

22/12/2016

22 décembre 1916

Au cours où je suis le travail intensif va être coupé par les fêtes de Noël et du Jour de l’An.
Des permissions vont être données pour ces deux fêtes, mais elles ne doivent pas me concerner puisque je reviens de ma permission régulière ; j’envisage donc avec désespoir de rester dans ce centre où il n’y aura que quelques parias, tous les élèves partant dans leurs familles.
J’ai un camarade dans le même cas que moi ; lui non plus n’envisage pas de gaieté de cœur de rester ici ; nos cerveaux travaillent à l’unisson et nous décidons de faire tout le possible pour nous glisser dans la masse des partants ; mais nous n’aurons pas de papiers en règle, le difficile sera de passer à travers les contrôles en cours de route.

prochaine note : 2 janvier 2017

 

21/12/2016

20 décembre 1916

 J’apprends que je suis désigné pour aller à un cours de perfectionnement à Mourmelon (Ferme de Bouy).

prochaine note : 22 décembre 2016

 

17/12/2016

17 décembre 1916

Retour de permission...
Troisième hiver de guerre, en verrons-nous encore beaucoup ?
"LA MONOTONIE DU SACRIFICE AJOUTE A SA GRANDEUR”
(Paul Painlevé)

prochaine note : 20 décembre 2016

 

01/12/2016

1er décembre 1916

 Je vais avoir enfin ma 3ème permission ; je compte partir à la date du 6 décembre, j’aurai mes 6 jours augmentés de 3 jours pour ma citation, ce qui fera neuf ; heureuse citation...

prochaine note : 17 décembre

 

17/11/2016

17 novembre 1916

 Et le travail et les gardes ont continué.., et les jours ont passé.
Je sais que vous aussi avez toutes sortes de petites misères et cela me fait sourire amèrement quand je me reporte aux sornettes de 1914 où la presse gouvernementale laissait imprimer des bourdes comme : “ L’ Allemagne manque de tout..., Nous entrons à Mulhouse... etc...”
Avais-je assez raison de dire de ne pas chanter trop vite notre triomphe ? Quand on veut la victoire, il faut la préparer et la gagner. Aux premiers jours d’Août, il ne suffisait pas de démolir les boutiques Maggi et de crier “A Berlin”.
Je reste néanmoins convaincu de notre victoire, mais nous la paierons terriblement cher grâce à notre imprévoyance et à notre trop belle assurance.

prochaine note : 1er décembre 2016