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27/03/2016

27 mars 1916

J’ai quitté Eclaron et me voici de nouveau à la Thibaudette où je retrouve mes vieux briscards moroses ; je crois que j’aurai quelque peine à me faire à leur résignation maussade alors que je viens de quitter tant de gaîté et d’entrain ; je serais heureux si j’ étais nommé dans un régiment de jeunes, cela plairait mieux à mon caractère... Mais enfin, nous ne sommes pas là pour nous amuser.
Je trouve Kremer au repos et j‘apprends qu'il a obtenu une citation, cela lui donnera droit à la Croix de Guerre, cette croix tant convoitée par ceux qui ne font rien et chichement donnée à ceux qui luttent, s’exposent ou meurent...
A l’État-major de mon régiment on m’a dit savoir que j‘étais proposé pour être sous-lieutenant, mais rien d’officiel. Que se passe-t-il ?
Je suis allé à Bellefontaine, commune mitoyenne, pour voir ce vieux Chauveau ; j’ai eu la malchance de le rater; je sais qu’il vit là à peu près tranquille ; s’il peut s’y maintenir, tout ira bien pour lui.
Je viens de réentendre le canon, enfin me revoilà dans la bataille ; demain, je saurai où je dois promener mes guêtres.

prochaine note : 11 avril 2016

25/03/2016

25 mars 1916

Notre cours s’achève et il s’achève dans la gaîté. C’est ainsi qu’hier au soir nous avons donné une représentation théâtrale dans le petit théâtre du pays ; j’y ai joué moi-même avec quelques camarades et voire même un pensionnaire de la Comédie-Française ; la pièce farce a été très réussie. Compliments, buffet, champagne...
Enfin, il va falloir retourner prendre contact avec la tranchée. Je sais dès maintenant que mes notes sont parfaites et le commandant m’a assuré de ma prochaine nomination ; elle devait même parvenir ici car l’état en a été dressé et présenté au Général Humbert qui devait signer la nomination ; si elle n’est pas arrivée demain matin, je devrais la trouver en rentrant au corps . D’ailleurs la ficelle conquise a été arrosée et fêtée par les jeunes aspirants.

prochaine note : 27 mars 2016

 

10/03/2016

10 mars 1916

Toujours à l’École - Ce matin, nous avons eu un cours particulièrement intéressant fait par un Commandant d’État-major du Grand Quartier Général. Nous avons pu apprendre des nouvelles très heureuses du front de Verdun ; sans commettre aucune indiscrétion, ce chef nous a fait des confidences comme à de futurs officiers ; en l’écoutant attentivement, nous avons pu surprendre dans sa causerie des choses importantes : nous “tenons” plus qu’heureusement à Verdun où nous avons 350.000 hommes et 7 corps et toutes nos forces ne sont pas arrivées.
Le G.Q.G. est enthousiasmé de l’infanterie qui fait merveille. Hier, c’est un régiment d’Auvergne (le 139ème d’Aurillac) qui a repris le Bois des Corbeaux ; c’est un fait d’armes splendide car ce bois était bombardé par l’artillerie lourde (105) allemande. Nos soldats ayant été à l’attaque si vite et de si grand cœur n’ont eu que des pertes insignifiantes. L’ennemi surpris et déconcerté d'être attaqué malgré sa barrière de mitraille a lâché pied.
L’État-major est à ce point confiant dans notre avance que le Génie se rend dans le secteur avec ses ponts de bateaux. Dès que l’ennemi cessera son attaque et montrera sa fatigue, nous lui tomberons dessus.
Voilà ce que je sais et qui doit être vrai.

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prochaine note : 25 mars 2016

21/12/2015

21 décembre 1915

Ayant quitté mon repos, je viens de me retrouver en ligne dans un énorme blockhaus, face au plateau de Bolante ; c’est là sans aucun doute où je finirais cette année 1915 si Dieu me prête vie.
La gelée a fait son apparition, le terrain s’est enfin durci ; on marche plus facilement et tout de même le séjour dans la terre sera moins malsain.
J’ai avec moi deux pièces mitrailleuses dont l’une est commandée par le caporal Kremer qui, en permission, est remplacé actuellement par Nexon ; cela est très heureux car ce dernier, malade en ce moment, n’aura pas à assurer les veilles au créneau ; il pourra donc relativement se reposer.
Depuis hier soir il neige et la triste Argonne a revêtu sa parure blanche. Le front, bruyant hier, est enseveli sous le silence ; la mort de la nature semble avoir calmé la rage les hommes.

prochaine note : 25 décembre

13/12/2015

13 décembre 1915

M. Maury, poète chansonnier en visite dans ma petite cahute, a chanté pour moi des chansons inédites écrites depuis la guerre. J’en ai retenu une qui est parfaite : “Quand nous serons vieux. . .“ et que je veux apprendre pour vous la chanter.

prochaine note: 21 décembre

12/12/2015

12 décembre 1915

Descendu des lignes : au repos, dimanche.
Hélas, il pleut, il pleut, il pleut... C’est dans une boue liquide que j ‘ai cheminé ; en sortant du cimetière où je croyais rester enlisé, j’entrais à l’église des Islettes ; il était neuf heures ; à ce moment l’aumônier ne trouvant que moi comme fidèle me demanda si je pouvais ou voulais lui prêter assistance pour mettre ses cloches en branle.


Sur mon affirmation (lui offrant à défaut de savoir mes bras et ma bonne volonté), nous montâmes au clocher et c’est ainsi que le 12 Décembre de l’An de Grâce et ... de cataclysmes 1915, votre sous-officier mitrailleur invitait les Meusiens à venir prier le Dieu tout puissant pour le salut de la France et la perte de ses ennemis.


J’assistais à une grand messe fort bien chantée, car il ne manque pas d’artistes aux Islettes (c’est la petite patrie des embusqués), mais l’assistance était évidemment peu banale :
quelques femmes en deuil, des officiers pimpants d’Etat-Major, les poilus boueux, sales, hirsutes faisant une masse grise et triste ; l’autel seul semblait chatoyant, rutilant de lumière et de fraîcheur, donnant bien ainsi la différence du ciel à la terre.


Alors ayant pendant quelque temps perdu de pensée le bruit du canon, le mouvement des masses, les cris, les ordres, les contre-ordres et tout ce qui fait la sujétion de ces longs mois de lutte, j‘ai regagné la Thibaudette dans un demi-rêve de paix.


On a  enfin achevé ici une maison de bois et de boue, c’est à-dire en torchis, très confortable avec lits suspendus ; nous sommes deux sous-officiers et il y a place pour six; ainsi donc très à l’aise et surtout l’esprit au repos, loin du bruit des poilus, enfin un peu isolés... Dieu, que cela parait bon.

 

prochaine note : 13 décembre