17/04/2016
12 avril 1916
Ce matin à cinq heures, le soleil brillait déjà à l’horizon. Avec la joie que donne la lumière, je saluai cette nouvelle journée. Je regardai ce tableau tragique si connu et que l’on contemple cependant à chaque instant comme si l’on devait y découvrir quelque chose de nouveau.
Devant moi, la croupe ravagée du “Fer à Cheval” rayée des nombreux boyaux conduisant à la première ligne et qui semble déserte. En effet, qui hormis nous pourrait croire que des êtres humains veillent dans ce silence sous cette terre chaotique ?
Vers la droite, les pentes des Courtes-Chausses donnent le même spectacle, cependant un peu plus mouvementé, car sur les flancs la Route Marchand y permet l’arrivée des ravitaillements à dos de mulet, la nuit, à travers mille obstacles. Plus loin, mais encore à notre vue, c’est Bolante et son plateau mystérieux ; que de combats se sont livrés là... Et que se passera-t-il demain ? A l’horizon : VERDUN, point si imposant que le monde entier fixe les yeux sur lui. Une rafale bruyante me tire de ma contemplation : derrière moi, ce sont les 75 qui vont rappeler à l’ennemi que le sol sur lequel il est n’est pas conquis.
Je suis des yeux le sillage que trace dans l’air l’obus rapide ; le point de chute est là devant moi un peu à ma gauche ; c’est l’Y, position tant de fois disputée ; le soleil dont rien n’arrête la course éclaire maintenant toute cette nature mouvementée ; l’Allemand rageur répond à notre brusque réveil ; et toujours lourd, sachant la nique que l’on fait à son 77, nous envoie ses 105.
Un bruit énorme, de la terre soulevée, des troncs d’arbres retournés, une lourde fumée qui lentement s’élève et presque aussitôt, comme pour faire oublier tout ce tonnerre, une gentille mésange envoie quelques notes gaies en picotant le tronc d'un bouleau mort.
Et comme malgré tout mon âme se plait aux choses aimables, j‘oublie la vilaine guerre étant si gentiment rappelé par cet oiseau charmant aux douceurs de la vie.
prochaine note : 25 avril 2016
10:37 | Tags : argonne, tranchées, première guerre mondiale, 1914-1918, verdun | Lien permanent | Commentaires (0)
27/03/2016
27 mars 1916
J’ai quitté Eclaron et me voici de nouveau à la Thibaudette où je retrouve mes vieux briscards moroses ; je crois que j’aurai quelque peine à me faire à leur résignation maussade alors que je viens de quitter tant de gaîté et d’entrain ; je serais heureux si j’ étais nommé dans un régiment de jeunes, cela plairait mieux à mon caractère... Mais enfin, nous ne sommes pas là pour nous amuser.
Je trouve Kremer au repos et j‘apprends qu'il a obtenu une citation, cela lui donnera droit à la Croix de Guerre, cette croix tant convoitée par ceux qui ne font rien et chichement donnée à ceux qui luttent, s’exposent ou meurent...
A l’État-major de mon régiment on m’a dit savoir que j‘étais proposé pour être sous-lieutenant, mais rien d’officiel. Que se passe-t-il ?
Je suis allé à Bellefontaine, commune mitoyenne, pour voir ce vieux Chauveau ; j’ai eu la malchance de le rater; je sais qu’il vit là à peu près tranquille ; s’il peut s’y maintenir, tout ira bien pour lui.
Je viens de réentendre le canon, enfin me revoilà dans la bataille ; demain, je saurai où je dois promener mes guêtres.
prochaine note : 11 avril 2016
06:00 | Tags : première guerre mondiale, argonne, tranchées, 1914-1918 | Lien permanent | Commentaires (0)
25/03/2016
25 mars 1916
Notre cours s’achève et il s’achève dans la gaîté. C’est ainsi qu’hier au soir nous avons donné une représentation théâtrale dans le petit théâtre du pays ; j’y ai joué moi-même avec quelques camarades et voire même un pensionnaire de la Comédie-Française ; la pièce farce a été très réussie. Compliments, buffet, champagne...
Enfin, il va falloir retourner prendre contact avec la tranchée. Je sais dès maintenant que mes notes sont parfaites et le commandant m’a assuré de ma prochaine nomination ; elle devait même parvenir ici car l’état en a été dressé et présenté au Général Humbert qui devait signer la nomination ; si elle n’est pas arrivée demain matin, je devrais la trouver en rentrant au corps . D’ailleurs la ficelle conquise a été arrosée et fêtée par les jeunes aspirants.
prochaine note : 27 mars 2016
06:00 | Tags : première guerre mondiale, tranchées, argonne, 1914-1918 | Lien permanent | Commentaires (0)
10/03/2016
10 mars 1916
Toujours à l’École - Ce matin, nous avons eu un cours particulièrement intéressant fait par un Commandant d’État-major du Grand Quartier Général. Nous avons pu apprendre des nouvelles très heureuses du front de Verdun ; sans commettre aucune indiscrétion, ce chef nous a fait des confidences comme à de futurs officiers ; en l’écoutant attentivement, nous avons pu surprendre dans sa causerie des choses importantes : nous “tenons” plus qu’heureusement à Verdun où nous avons 350.000 hommes et 7 corps et toutes nos forces ne sont pas arrivées.
Le G.Q.G. est enthousiasmé de l’infanterie qui fait merveille. Hier, c’est un régiment d’Auvergne (le 139ème d’Aurillac) qui a repris le Bois des Corbeaux ; c’est un fait d’armes splendide car ce bois était bombardé par l’artillerie lourde (105) allemande. Nos soldats ayant été à l’attaque si vite et de si grand cœur n’ont eu que des pertes insignifiantes. L’ennemi surpris et déconcerté d'être attaqué malgré sa barrière de mitraille a lâché pied.
L’État-major est à ce point confiant dans notre avance que le Génie se rend dans le secteur avec ses ponts de bateaux. Dès que l’ennemi cessera son attaque et montrera sa fatigue, nous lui tomberons dessus.
Voilà ce que je sais et qui doit être vrai.
prochaine note : 25 mars 2016
06:00 | Tags : argonne, tranchées, première guerre mondiale, 1914-1918 | Lien permanent | Commentaires (0)
27/02/2016
27 février 1916
Cette fin de Février est vraiment pénible, mais non surprenante car l’hiver n’avait pas montré ses duretés.
Vous me dites que tout est hors de prix à Paris et ailleurs, cela n’a rien d’étonnant lorsqu’on voit le gâchis du front ; tout est (on ne peut pas dire employé) saccagé, et cela fait mal au cœur quand on songe à ceux qui manquent.
Et puis il faut aussi penser à la note à payer car ne nous faisons pas d’illusions ; ce n’est pas l’ennemi qui paiera cette formidable rançon : un siècle de son labeur n’y suffirait pas et puis la paix n’est pas encore faite sur cette base...
prochaine note : 10 mars
06:00 | Tags : première guerre mondiale, tranchées, argonne, verdun, 1914-18 | Lien permanent | Commentaires (0)
17/02/2016
17 février 1916
La grande bataille est commencée...
Nous abandonnons notre village ; le cours pourra-t-il même continuer ?
Je me trouve à 3 km de Eclaron après avoir passé à Bar-le-Duc; nous sommes arrivés de nuit après avoir souffert d’un froid intense pendant trois heures dans un tortillard sans porte ni fenêtre; tout est gelé et j’ai grand peine à vous écrire.
prochaine note : 27 février
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