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14/07/2015

14 juillet 1915

La nuit du 13 au 14 a été terrible en ligne.
Seul avec ma pièce, j’étais au repos alors qu’une division entière était engagée. Actuellement, il y a une accalmie. Mais que de victimes...
J’ai vu passer 700 soldats, 700 souffrances diverses, de bénignes, de terribles ; mais il faut le dire bien haut, aucun de ces malheureux ne se plaignait ; un seul gémissait, sa blessure était affreuse ; mais il s’est tu bien vite quand il s’est aperçu que nous le regardions - c’est très crâne -.
J’ai vu de ces blessés attendre des heures entières à  moitié dévêtus, sous une pluie d’orage, grelottant de fièvre, les voitures trop rares qui, cependant, n’arrêtaient pas de faire la navette pour les conduire à l’arrière. Quelques-uns bénissaient leur blessure, pensant que c’était un moindre mal et espérant, grâce à elle, ne plus revenir dans cet enfer.

11/07/2015

11 juillet 1915

Dernière journée de ma galère : demain, je pense partir au repos aux Islettes. Cela remettra l’esprit en place, car cette vie d’enterré vivant est quelque peu pénible , et puis j’aurai la chance de passer la journée du 14 Juillet loin “des bals”.

 

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prochaine note: 14 juillet

09/07/2015

9 juillet 1915

Nous venons de recevoir en renfort quelques hommes des dépôts de Chartres ; ce sont des hommes qui, pour différentes raisons, n’avaient jamais fait de service militaire et que l’on a dressés en deux mois 1/2 tant bien que mal. Il faut avouer qu’ils sont arrivés avec résolution et surtout avec curiosité.
L’une est amoindrie (déjà) et l’autre tout à fait satisfaite. Il y a parmi eux Maurice PUJO, le Camelot du Roi, journaliste militant de l’Action Française. J’ai fait sa connaissance le premier soir ; il m’a été présenté et nous avons longuement conversé ; j‘étais pour lui le vieux poilu qui en  sait beaucoup et peut donner d’utiles conseils ; nous verrons ce qu’il adviendra.

 

prochaine note: 11 juillet

08/07/2015

8 juillet 1915

Vous me demandez à connaître ma position exacte, je vais donc vous la décrire:

La tranchée de 1ère ligne est garnie de créneaux distants de 1m 50 environ ; un tireur se promène et en surveille une dizaine dans le jour, la nuit on double cette garde. Les autres hommes se reposent dans les abris. Une mitrailleuse, tous les 50 mètres environ, prend une des meilleures positions pour faire des feux croisés avec sa voisine et empêcher toute avance vers la ligne.
On en augmentera le nombre au fur et à mesure que nous en aurons davantage car leur feu est d’une efficacité parfaite.
On fait, pour dissimuler ces pièces, des sortes de petits blockhaus couverts de gros rondins de bois et de couches de terre, le tout camouflé par du feuillage. Le sommet dépasse à peine le sol et se confond avec lui ; pour chaque pièce, il y a cinq hommes et un chef de pièce.
Le jour, les hommes prennent deux heures de faction à tour de rôle et la nuit, deux hommes veillent de 20 h à minuit et deux autres de 0 h à 4 h du matin ; ce qui ne les empêche pas d’accomplir les différents travaux : nettoyage, approfondissement des tranchées, réparation des accidents causés par les bombardements, plus les corvées de soupe et de café qu’il faut accomplir par un trajet d’une heure au moins à travers les boyaux pour atteindre les cuisines, dissimulées en arrière des lignes à contre-pente, dans un abri de terrain.
A peu près à cette hauteur se trouve l’artillerie de montagne, c’est-à-dire les 75 ; ils sont à deux ou trois kilomètres des lignes ; ils bombardent par-dessus nos têtes les lignes ennemies et font en cas d’attaque ce qu’on appelle un tir de barrage sur la zone neutre, le “no man’s land”.
Quant à la distance qui nous sépare de la ligne ennemie, elle est très variable, il faut compter en ce moment 50 mètres.

 

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07/07/2015

7 juillet 1915

Dans la tranchée, le rôle d’officier n’existe guère ; ils mangent, fument, dorment et touchent une solde plus que suffisante. Si ce sont des officiers de l’active, ils sont dans leur métier ; si ce sont des officiers de réserve, la vie civile serait certainement plus ingrate pour eux que la vie militaire en ce moment.
Pendant ce temps, Pitou creuse des tranchées péniblement, monte la garde au créneau, au poste d’écoute, y reçoit les obus, les bombes, les coups de fusil, les schrapnells, est envoyé à dix pieds en l’air ou est descendu dans le néant par la mine sournoise ; il mange un brouet clair et touche 0 francs 05 par jour, octroyés par la nation reconnaissante ; jusqu’à présent la guerre est menée en première ligne par les chefs de section, sous- officiers et caporaux.
On doit penser que l’ultime sacrifice est dû par tous ; on objectera que nombreux sont les officiers tombés au champ d’honneur ; ceux-là, au début de la campagne, étaient pleins d’espoir ; c’étaient les professionnels qui voyaient enfin les possibilités d’un avancement rapide dans une carrière qui paraissait fermée pour longtemps. Il y avait les enthousiastes, les convaincus, et sans doute des héros. Mais comme cette petite phalange a vite fondu...

Aujourd’hui, il n’y a plus que des officiers qui n’ont que le souci de faire cette guerre au mieux, d’en tirer tout le parti possible et de rentrer chez eux sains et saufs pour conter leurs exploits ;  on les écoutera bouche bée aux 5 à 7 ; ils pourront dire ce qu’ils voudront ; Pitou, seul, qui aurait son mot à dire, ne sera pas invité.
Voici un petit exemple : le 2 Juillet, le capitaine Salin, ancien officier d’active,4me Cie, 30e territorial, en tranchée de 2ème ligne, au ravin de Courtes-Chausses, tient sa compagnie en réserve.
Une attaque se produit à deux heures du matin ; il fait immédiatement porter tous ses hommes aux créneaux de 1ère ligne et lui... reste tranquillement dans son lit, dans son abri confortable, gardé par une sentinelle qui a charge de le réveiller si l’affaire tourne mal.

Si je vous conte ceci, ce n’est pas par jalousie ni par haine, mais pour dire simplement ce qui est et pour que votre admiration sache ne pas se galvauder.

 

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Prochaine note: 8 juillet

 

06/07/2015

6 juillet 1915

Nous sommes en tranchée à Courtes-Chausses, près du Four de Paris; je “bats” un ravin pour arrêter toute attaque possible sur nos lignes ; très fatigué, mais en bonne santé, bien heureux tout de même de n’avoir plus les corvées formidables qu’on impose au pauvre ‘bibi”. Quand verrons-nous la fin de cet enfer ?

 

Prochaine note: 7 juillet