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10/03/2016

10 mars 1916

Toujours à l’École - Ce matin, nous avons eu un cours particulièrement intéressant fait par un Commandant d’État-major du Grand Quartier Général. Nous avons pu apprendre des nouvelles très heureuses du front de Verdun ; sans commettre aucune indiscrétion, ce chef nous a fait des confidences comme à de futurs officiers ; en l’écoutant attentivement, nous avons pu surprendre dans sa causerie des choses importantes : nous “tenons” plus qu’heureusement à Verdun où nous avons 350.000 hommes et 7 corps et toutes nos forces ne sont pas arrivées.
Le G.Q.G. est enthousiasmé de l’infanterie qui fait merveille. Hier, c’est un régiment d’Auvergne (le 139ème d’Aurillac) qui a repris le Bois des Corbeaux ; c’est un fait d’armes splendide car ce bois était bombardé par l’artillerie lourde (105) allemande. Nos soldats ayant été à l’attaque si vite et de si grand cœur n’ont eu que des pertes insignifiantes. L’ennemi surpris et déconcerté d'être attaqué malgré sa barrière de mitraille a lâché pied.
L’État-major est à ce point confiant dans notre avance que le Génie se rend dans le secteur avec ses ponts de bateaux. Dès que l’ennemi cessera son attaque et montrera sa fatigue, nous lui tomberons dessus.
Voilà ce que je sais et qui doit être vrai.

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prochaine note : 25 mars 2016

27/02/2016

27 février 1916

Cette fin de Février est vraiment pénible, mais non surprenante car l’hiver n’avait pas montré ses duretés.
Vous me dites que tout est hors de prix à Paris et ailleurs, cela n’a rien d’étonnant lorsqu’on voit le gâchis du front ; tout est (on ne peut pas dire employé) saccagé, et cela fait mal au cœur quand on songe à ceux qui manquent.
Et puis il faut aussi penser à la note à payer car ne nous faisons pas d’illusions ; ce n’est pas l’ennemi qui paiera cette formidable rançon : un siècle de son labeur n’y suffirait pas et puis la paix n’est pas encore faite sur cette base...

prochaine note : 10 mars

17/02/2016

17 février 1916

La grande bataille est commencée...
Nous abandonnons notre village ; le cours pourra-t-il même continuer ?
Je me trouve à 3 km de Eclaron après avoir passé à Bar-le-Duc; nous sommes arrivés de nuit après avoir souffert d’un froid intense pendant trois heures dans un tortillard sans porte ni fenêtre; tout est gelé et j’ai grand peine à vous écrire.

prochaine note : 27 février

15/02/2016

15 février 1916

Me voici donc arrivé à Génicourt ; j’y trouve une réunion de braves garçons et ce qui est plus drôle toute une compagnie de jeunes élèves de St-Cyr qui, au lieu de passer par cette Ecole, sont venus directement ici. Nous devrons donc travailler ensemble.
Nous avons comme directeur le Colonel Tanant qui est vraiment un “as”. Les cours se font très sérieusement mais les récréations ont beaucoup de gaité et d’entrain ; cela s’explique puisque nous avons des jeunes de vingt ans avec nous; nous retombons tous en adolescence.
Nous apprenons que le Kronpritz vient de déclencher une furieuse attaque sur Verdun ; nous croyons que ce sera une très grande bataille; d’ailleurs nous allons être probablement débarqués de Génicourt car il faut laisser la place aux troupes qui montent.

prochaine note : 17 février

10/02/2016

10 février 1916

J’apprends que je viens d’être désigné pour suivre un cours en vue d’une nomination au grade de sous-lieutenant.

prochaine note : 15 février

06/02/2016

6 février 1916

J’ai donc quitté ce matin à six heures la Thibaudette. Je me suis mis en route par un frais lever de soleil et je me suis senti ivre de liberté sur cette route tragique où, seul, je marchais, laissant derrière moi tant de misères et d’horreurs...
Pourquoi n’étiez-vous pas au bout de ce voyage ? C’est que sans doute l'expiation n’est point achevée et que ce répit n’est que la récompense d’un effort insuffisant et qu’il faudra reprendre pour parachever l’œuvre de paix tant attendue.
Devant moi les hauteurs de cette pauvre ville de Clermont, ainsi que Les divins martyrs, dressaient leurs silhouettes nimbées par un soleil d’aurore. Bientôt j'atteignis les premières ruines et je retrouvais les mêmes pénibles sensations (quoique différentes (1) ) devant cette dévastation systématique et barbare.
En effet toutes les maisons ont été incendiées avec une méthode qui confond. Cette petite ville de douze à quinze cents habitants n’en a plus, et pour cause : les soldats de l’arrière qui s’y reposent, les officiers qui ont installé leurs bureaux s’y sont abrités en mettant des toits de fortune sur les murs très rares qui offrent encore quelque résistance.
Je voudrais vous faire partager mon émoi devant ces désastres, mais hélas Je ne sais pas écrire et mon récit ne saurait vous faire imaginer pareille tristesse...
Quittant donc avec recueillement, comme l’on sort des cimetières, cette pénible cité, je repris ma route ; mon cœur se ressaisit à la vue de la nature qui semblait s’éveiller d’un long sommeil à l’appel que lui lançait joyeusement une alouette qui montait droit vers le ciel.
Je trouvais au bout de quelques kilomètres Rarécourt, petit pays insignifiant qui m’offrit son hospitalité. Dans une maison de paysan, le collègue que je venais remplacer me fit les honneurs d’une grande salle, commune à nous mitrailleurs, et me “passa” une petite chambre et un lit pour y reposer mes fatigues anciennes ; je n’y voulais plus penser, mais elles semblèrent se réveiller à la vue de ce confortable relatif.
Puis nous allâmes à travers champs, à 300 mètres environ, voir la position sur laquelle est posée la mitrailleuse contre avions qui doit protéger un Etat-Major constamment survolé par l'ennemi.
Je pris contact avec les hommes qui y montent la garde ; ce poste est composé d’un sous-officier, d’un caporal et de six hommes ; le caporal et deux hommes guettent du lever de l’aurore à la soupe de dix heures et trois autres reprennent de dix heures à la nuit.
Un autre est désigné pour faire la cuisine et le sergent la mange, va se promener et écrit à sa petite femme et à sa chère fille ; puis, la nuit venue, tout le monde va dormir... Demain, la propriétaire me donnera un litre de lait et je pourrai me préparer un chocolat à mon petit lever. Oh, pauvres embusqués, que d’excuses je vous dois... Mais je me suis promis de tout dire : les duretés de cette guerre et ses douces fantaisies...


(1) Je traversai en effet, la première fois, Clermont-en-Argonne par un clair de lune, la nuit où nous quittâmes Avocourt pour le Four de Paris en Juin 1915.

prochaine note : 10 février